Pour Éric Trappier, président de l’UIMM, produire doit redevenir la priorité stratégique de l’Europe, faute de quoi elle continuera à subir la concurrence déloyale de puissances industrielles plus pragmatiques et moins contraintes par la sur-réglementation.

Juin 2025
« Je produis donc je suis ». La formule est un peu simpliste. Elle résume néanmoins l’un des puissants ressorts du rapport de force géopolitique actuel. Produire est au cœur du logiciel, de l’agenda et des actes politiques de la Chine, tout comme des États-Unis. L’intensification de la guerre commerciale constitue d’ailleurs l’un des symptômes de cette lutte implacable pour le leadership mondial.
Depuis peu et au gré des crises traversées par les Européens, la nécessité de produire est, elle aussi, revenue dans les discours politiques des dirigeants de l’Union européenne. Nous, industriels, avons appelé de nos vœux cette évolution. Nous l’avons saluée. Nous attendons les actes concrets.
Or, force est de constater que sur les textes dits « omnibus » de simplification, le compte n’y est toujours pas. Le logiciel de la « machine bruxelloise » n’a que trop peu évolué à ce stade. Il est en quelque sorte passé de : « je norme, donc je suis », à « je norme pour produire, donc je suis ». Cette « version beta » ne saurait être suffisante. Elle ne permettra ni de préserver le tissu industriel européen des assauts de ses concurrents, ni donc de peser à l’échelle mondiale.
Or, que vaut une exigence unilatérale, si elle ne s’applique ni à nos concurrents, ni aux produits importés ? Que vaut-elle, a fortiori, lorsque les règles élémentaires du commerce international sont piétinées, comme le documente le récent rapport de l’OCDE sur l’acier : « En 2024, 19 gouvernements ont lancé 81 enquêtes antidumping impliquant des produits sidérurgiques, une augmentation de cinq fois par rapport au niveau de 2023 ! »
La déclaration du président de la République à l’occasion du sommet Choose France est à cet égard limpide : « Ou bien vous vous assurez que les acteurs non européens ont le même niveau de régulation que vous quand ils entrent sur votre marché, ou bien vous réajustez vos propres exigences pour votre marché domestique. »
L’évolution de la position du chef de l’État vers une suppression pure et simple de la directive « CS3D » sur le devoir de vigilance est une annonce bienvenue. Le chemin est néanmoins encore long avant d’obtenir son abrogation, tant le consensus européen dans cette direction est loin d’être acquis.
Nous restons, avec France Industrie, très mobilisés sur ce dossier emblématique du « syndrome du bon élève » qui a conduit notre pays et notre continent à être champions du monde de la norme, et non de la production.
Eric Trappier
Président de l’UIMM La Fabrique de l’Avenir