En janvier dernier j’ai assisté à Lyon aux finales françaises 2022 des worldskills (en français Olympiades des métiers, mais le comité olympique étant certainement effrayé par la qualité de la concurrence, interdit l’emploi de cette appellation… ).
Que ce soit pour les métiers industriels que j’étais spécialement venu observer ou pour les autres aussi en compétitions, j’ai été enthousiasmé par ce que j’ai vu. Ils m’ont enrichi, un véritable shoot d’intelligence, de compétence, de volonté, de passion.
Ils, ce sont ces jeunes hommes et ces jeunes femmes (pas assez nombreuses) investis dans leur épreuve, déterminés à être médaillés, de toute évidence passionnés par leur métier, confiants et inquiets face à l’épreuve que tous avaient choisi d’affronter pour la dominer.
« Quelle est belle et réconfortante cette jeunesse, aux antipodes des caricatures dont on l’affuble trop souvent ». Cette phrase peut paraitre désuète, je peux vous dire qu’elle est extraordinairement moderne lorsque l’on assiste aux « Olympiades des métiers »!
Ces jeunes, qui dans leur profession sont parmi les meilleurs du monde, ont parfois été jugés incapables d’atteindre l’excellence par des intellectuels coincés dans les temps anciens.
L’élite !
Aujourd’hui ces jeunes sont devenus l’élite des professions qu’ils représentent. Une élite indispensable à l’avenir économique, social, et je le dis clairement, sociétal, de la France.
Oui, élite, mot honni et dont on a oublié le sens, peut-être parce que certains rêvent de faire disparaître les élites de notre pays. Il est vrai que pour un chantre de la décroissance il n’y a rien de pire qu’une élite locomotive du progrès et de l’innovation.
Selon le dictionnaire l’élite c’est : Ensemble de ceux qui, dans un groupe, une société, sont considérés comme les meilleurs.
Alors ne devrions-nous pas veiller à avoir une élite de plus en plus nombreuse, de plus en plus performante ?
Cette finale des « Olympiades des métiers » se tenait au moment où par ailleurs on évoquait la suppression des grandes écoles et la future omnipotence de l’université dans l’enseignement supérieur. Péché d’orgueil ou dogmatisme aveugle. On supprime quelque chose qui fonctionne plutôt bien avant même d’avoir testé et validé ce qui va le remplacer.
Pourtant le constat est simple : si le quart le plus brillant des jeunes français est au niveau des meilleurs mondiaux, le quart le moins bon est au niveau des plus mauvais. Une société peut-elle survivre dans la compétition mondiale et dans la paix avec un tel écart, quasi unique sur la planète ? Ce quart brillant suffit-il à faire fonctionner le pays et ses entreprises ? Restera-t-il en France, frustré de ne pouvoir y déployer son énergie par manque de compétences et de connaissances ?
Egalité ou équité ?
Je propose deux idées simples aux deux extrêmes du problème. Cela ne règle pas tout, mais rien ne règle tout, ça n’empêche pas ceux qui veulent faire, de commencer.
Pourquoi au lycée une proportion importante d’élèves lit, écrit et compte mal ? Que l’on ne me dise pas que ce n’est pas possible de faire mieux ! Il y a quelques dizaines d’années les enseignants y arrivaient très bien. Seulement aujourd’hui il y a un dogme : l’égalité. Donc tout le monde au même niveau et pour ne faire aucun effort on aligne tout sur le plus « bas ». Ainsi le niveau piteux de notre bac lui a enlevé tout son sens.
L’égalité ce n’est pas que tous soient identiques, c’est que tous aient la même possibilité de réussir. D’ailleurs aucun régime politique dans le monde n’applique l’égalité par le bas, tous ont une élite souvent nombreuse et toujours choyée, même et surtout les régimes communistes.
Il ne viendrait pas à l’idée d’un bon bâtisseur de mettre ses efforts sur la toiture et les finitions sans s’être auparavant assuré de la solidité des fondations. C’est pourtant ce que nos gouvernements font depuis trop longtemps.
L’académie de l’élite
A l’autre extrême je lance l’idée d’une académie de l’élite. Les industriels, les syndicats patronaux et ouvriers, les institutions gèreraient, loin des structures administratives, une académie dont le but serait de détecter dans toutes les couches sociales et surtout les plus modestes, les futures élites pour leur offrir la possibilité d’accéder aux cursus traditionnels. Cela dit, il sera peut-être nécessaire de créer, pour de nouvelles élites, de nouveaux cursus. Ainsi aucune future élite ne serait perdue pour des raisons matérielles ou sociales.
En s’attaquant au problème maintenant, nous en verrons les effets dans 12 à 18 ans. Trop long pour le temps politique, mortellement urgent pour l’avenir de notre nation.
Pour terminer une citation :
Le véritable progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de la foule, mais d’élever la foule vers l’élite .
(Gustave Lebon, 1841-1931)
C’est vrai, cela a quelques années, mais c’est un bon début pour un programme…
Hervé BAUDUIN
Président de l’UIMM Lorraine
Chef de file France Industrie Grand Est